Chers confrères,

Le 8 décembre est associé pour les prêtres du Séminaire au renouvellement du Vœu de l’Immaculée. Ce jour de fête marque aussi l’anniversaire de la consécration comme évêque vicaire apostolique de la Nouvelle-France de notre fondateur, le bienheureux François de Laval. Et, comme c’est aussi la fête de la patronne du diocèse, le 8 décembre est devenu ces dernières années l’occasion d’un rassemblement diocésain à la Cathédrale avec notre archevêque. On voit ainsi comment la fête de l’Immaculée a inspiré nos devanciers et comment elle continue d’être au cœur de notre vie.

Le sens de la fête de l’Immaculé Conception

Comme vous le savez, nous célébrons aujourd’hui celle qui a été préservée de toute faute en vertu des mérites de Jésus-Christ. Elle est ainsi constituée dès le début de sa vie dans un état de proximité avec Dieu où elle entre en plénitude dans le mystère du salut apporté au monde par celui qu’elle portera plus tard.

Ce qui est important ici, c’est de bien voir que par sa conception immaculée, Marie se retrouve au cœur de la rédemption et qu’ainsi le regard de cette enfant, de cette jeune fille, de cette femme, de cette mère sur la vie s’en trouvera imprégné à tout instant : regard pénétrant, regard souffrant, regard radieux.

Regard pénétrant

« Pénétrer dans le mystère de Dieu, dans mystère de l’amour de Dieu qui se donne » fut une entreprise de tous les instants pour Marie. Devant la prévenance divine qui se manifeste par l’Ange qui la salue en l’appelant « Comblée-de-grâce », elle se demande ce que peut bien signifier cette prévenance. Et à la suite de la réponse de l’Ange elle s’interroge avec raison « comment cela va-t-il se faire? ».

Si le regard de Marie pénètre le mystère de l’amour de Dieu ce n’est pas sans questionnements on le voit. Celle-ci n’est-elle pas ainsi pour nous un modèle dans le cheminement de notre foi? Tout en étant plongée pleinement dans le mystère du salut par sa conception immaculée, Marie a appris à le découvrir à l’œuvre dans sa vie. Comme croyants, nous avons au fil des jours et au fil des situations de vie qui sont nôtres à reconnaître la présence du salut, la présence du Ressuscité toujours vivant. C’est à cette condition même, pourrait-on dire, qu’il est présent, car si personne ne le reconnaît, si personne ne lui donne vie comme l’a fait Marie, il ne naît pas, il demeure un inconnu. En confessant notre foi au Christ ressuscité, nous le faisons naître à nouveau et nous pénétrons, à l’exemple de Marie, dans les profondeurs du mystère du salut qui nous est donné en Jésus.

Regard souffrant

Ce salut que saint Paul appelle dans la deuxième lecture « la merveille du don gratuit que Dieu nous fait en son Fils bien-aimé » n’arrive pas comme une théophanie à la façon de celles de l’Ancien Testament. La nouvelle Alliance est marquée par le mystère de la Croix, signe de la totale obéissance du Fils au Père et expression d’un amour qui prend sur lui tout le poids du péché du monde dans lequel nos propres péchés sont inclus et pardonnés.

Bénéficiaire de cette étendue sans limite de la rédemption Marie l’a été par anticipation ce qui ne lui a pas épargné d’y entrer concrètement dans sa vie. Au pied de la Croix, elle était là. Regard souffrant s’il en est. Regard d’une mère éplorée. Regard de compassion qui s’étend à toute l’humanité « Voici ton fils ».

Nous sommes invités nous aussi à vivre parfois des moments personnels de diminution, de limites, de souffrance, mais aussi nous portons comme prêtres les regards souffrants de tant et tant de gens, nous le présentons à Dieu en union avec Marie et avec son Fils qui continue de les porter devant son Père. Nous découvrons aussi petit à petit qu’il n’est de chemin vers Dieu que sur le traces de Celui qui a été jusqu’au bout comme Marie l’a expérimenté si intensément avec un regard souffrant et compatissant.

Regard radieux

Le cheminement suivi par Marie ainsi plongé totalement au premier instant de sa vie dans le Mystère de l’amour de Dieu qui se donne s’accompagne aussi d’une beauté et d’une lumière qui resplendissent à tout instant. Regard radieux. Regard qui irradie la présence qui l’habite. Regard qui lui permet de dire avec confiance « Voici la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole ».

Elle devient ainsi, comme l’ont prêché les Pères de l’Église, la Nouvelle Ève. Le fruit que la première Ève a pris pour son malheur se transforme en fruit de vie et de bonheur. L’ancien monde s’en est allé, un monde nouveau est né par ce oui qui permet à Dieu d’habiter chez nous. « Toutes les générations te diront bienheureuse ».

Regard radieux qui rend Marie « Mère de l’Église » où cette dernière continue de donner naissance au Christ aujourd’hui et demain « pour les siècles des siècles ».

Conclusion

Comment ne pas célébrer avec joie et avec cœur cette fête de l’Immaculée Conception? Comment ne pas nous sentir invités par Marie à laisser transformer notre regard sur notre vie et sur notre monde? Comment nous surprendre d’expérimenter nous aussi, selon les circonstances, le regard pénétrant, le regard souffrant ou le regard radieux?

Que cette célébration eucharistique où nous retrouvons dans la foi la présence de Celui qui a comblé de grâce sa Mère bien-aimée nous enracine profondément dans le mystère de l’amour de Dieu qui se donne et que notre Vœu de l’Immaculée soit le signe de notre volonté de cheminer toujours dans un souci de partager la bonne nouvelle qui nous habite.

Amen!

Hermann Giguère, prêtre
Supérieur général du Séminaire de Québec
le 8 décembre 2005