Séminaire de Québec
Société de prêtres diocésains fondée en 1663
par le Bienheureux François de Laval, premier évêque de Québec
FRATERNITÉS MONASTIQUES DE JÉRUSALEM
Nocturne du 1er octobre 2004 à Québec
Aux sanctuaires des trois fondateurs
Homélie d’accueil du cardinal Ouellet à la cathédrale de Québec
Le 1er octobre 2004
Bien chers frères et soeurs, chers jeunes,
« Les disciples s'approchèrent de Jésus», note bien Matthieu dans son Évangile, avant de poser la question que nous voulons faire nôtre en cet événement d'Église autour des trois fondateurs de l'Église canadienne, à l'occasion de l'établissement au Canada des Fraternités Monastiques de Jérusalem, et de la fondation du centre Québec IXThUS du Séminaire de Québec, pour l'évangélisation des jeunes adultes. Nous voulons nous approcher de Jésus. Ce «Nocturne» nous permet de le faire ensemble en accueillant nos cousins de France et il prend du même coup valeur de signe pour la mission qui se continue dans la foulée des bienheureux fondateurs de notre Église. Nous voulons nous approcher de Jésus qui, le premier, s'est fait proche, et apprendre de Lui ce qu'il nous faut faire pour être de son Royaume. Et voilà, comme l'avait si bien compris la petite Thérèse de l'Enfant-Jésus, qu'Il nous dit d’être d'abord et avant tout «comme des petits enfants» pour mieux nous approcher de Lui.
Oui, nous voulons nous approcher de Celui qui, le Premier, s'est fait proche. Au coeur de la nuit, l'Église depuis toujours fait entendre son cri de joie, son cri de délivrance au nom de toute l'humanité, au nom des petits et des pauvres, et jusqu'à la consommation des siècles: Christ est Ressuscité ! À cause d'une nuit, et au cœur de la nuit, l'Église crie la Victoire du Christ et la victoire de la foi au Christ. Victoire sur toutes formes de ténèbres et de mal. Victoire sur la mort ennemie, victoire sur tous les ennemis du véritable bonheur humain. Le poison de la mort est anéanti à jamais dans l'offrande et l'immolation du Christ. «Ô nuit de vrai bonheur, chante l'Église en sa louange pascale,… nuit où l'homme rencontre Dieu». Cette Espérance est à proclamer jusqu'aux extrémités de la terre. Nous la porterons ce soir au coeur de la Cité sous la forme symbolique de nos humbles flambeaux. Cette Espérance a généré toutes les audaces, elle a inspiré et soutenu la foi des saints et des saintes, elle a permis tous les sacrifices. Elle a permis à l'amour de répondre à l'Amour en empruntant le même chemin d'une vie totalement donnée: c'est en perdant sa vie ici-bas qu'on la garde pour l'éternité. «Car si la foi, l'espérance et la Charité demeurent toutes les trois, dit Paul, la plus grande de toutes est la Charité,… et elle seule ne passera jamais »( 1 Cor. 13 ).
Ne trouvons-nous pas là le secret commun de la fécondité spirituelle de nos trois bienheureux et bienheureuses: François de Laval, Marie de l'Incarnation, et Marie-Catherine de St-Augustin ? En rappelant leur mémoire, nous y découvrons le chemin obligé que doivent emprunter tous ceux et celles que le Seigneur appelle en son Royaume. Que seraient les oeuvres, même extraordinaires, si elles ne procédaient pas d'un coeur qui aime Dieu ? Que seraient nos méthodes d'évangélisation, sans la foi et le témoignage de ceux et de celles qui y oeuvrent ? Si les oeuvres sont diverses, la Charité est le signe de Dieu par excellence, et c'est Elle qui peut gagner les âmes au Christ. «L'Amour prend patience, spécifie l'apôtre Paul, l'Amour rend service, il ne jalouse pas, ne se gonfle pas d'orgueil, ne cherche pas son intérêt… il espère tout, il endure tout… lui seul ne passera jamais». C'est la porte étroite par où entrent les petits dans le Royaume des cieux. Ainsi sont venus, ont vécu et ont oeuvré celui et celles que nous appelons fondateur et fondatrices de l'Église chez nous. Ils n'avaient qu'un Feu: l'amour pour le Christ et pour les âmes. Tout pour Lui, tout en Lui, rien pour eux-mêmes. Aucun intérêt simplement humain n'aurait pu les retenir en ce pays, vu les conditions dans lesquelles ils se sont retrouvés, et les difficultés auxquelles ils ont eu à faire face.
Si le bienheureux François de Laval fut le dernier arrivé des trois en ce pays et en cette terre où déjà la Charité s'exerçait avec héroïsme, il reste que c'est par son ministère épiscopal qu'une Église particulière a été constituée et est née à Québec, et qu'elle a été établie solidement dès le début sur la foi de Pierre. Son coeur de Pasteur n'avait qu'un désir: porter le Christ en cette terre de mission, et faire que les chrétiens et les chrétiennes de son diocèse aient une foi ardente, dans la fidélité au Christ et à l'Évangile, et la conformité aux enseignements de l'Église. Il n'avait de cesse de fonder et de permettre tout ce qui allait être un soutien pour que se réalise cette mission. Il dira avec sagesse, dans ses conseils aux missionnaires, «qu'il faut se faire aimer par sa douceur, sa patience et sa charité, et se gagner les esprits et les coeurs pour les gagner à Dieu». Mais parmi toutes les vertus qu'on lui reconnaît, son grand esprit de pauvreté pourrait retenir spécialement notre attention, et inspirer nos vies et nos engagements respectifs. Sa pauvreté de coeur, d'abord, le rend disponible à faire la Volonté de Dieu en le dégageant de tout attachement, en le libérant du souci des richesses de ce monde et même des biens du patrimoine familial. Pauvre effectivement, il n'avait qu'une richesse: le Christ. Il le porte contre vents et marées, à pied ou en raquettes sur toutes les routes, par tous les vents et à travers tous les inconforts; il le porte en canot par tous les temps, parcourant ardemment avec zèle ce vaste diocèse qui couvrait pratiquement alors toute l'Amérique du Nord. Combien de fruits magnifiques a produits ce coeur de Pasteur simple et pauvre, cet évangélisateur que l'on peut prendre en modèle dans tous nos efforts pour la mission ! Aujourd'hui encore, la Charité exemplaire du bienheureux François de Laval et son ardeur missionnaire donnent de l'élan. Elles nous forcent à inventer et à prendre tous les moyens appropriés, à explorer tous les terrains, jusqu'à emprunter les chemins de l'Internet, pour «faire connaître et aimer Jésus-Christ», et ainsi engendrer des disciples qui seront des pierres vivantes de l'Église.
C'est sous le même souffle des origines que le Séminaire de Québec, fondé par cet évêque missionnaire au coeur de feu, entreprend avec enthousiasme cette oeuvre nouvelle d'évangélisation auprès des jeunes. Elle permettra de faire jaillir, du même coup, des vocations sacerdotales et religieuses nombreuses (c'est là notre espérance), et favorisera les engagements apostoliques les plus divers au sein de notre Église.
Quelle Église privilégiée que la nôtre ! Combien gratifiée d'avoir pu compter aussi, parmi ses bâtisseurs et ses témoins de la première heure, cette femme, cette religieuse, cette mystique aux deux pieds bien sur terre et efficace, cette éducatrice, que fut la bienheureuse Marie de l'Incarnation ! Sa vie est elle aussi empreinte d'une Charité exemplaire. Parmi tout ce qui a marqué sa vie, nous pourrions retenir particulièrement son esprit d'obéissance. Une obéissance librement consentie, dans une disponibilité totale à faire la Volonté de Dieu d'abord et en tout, quoi qu'il lui en coûte, et jusque dans l'acceptation des épreuves les plus cruelles, comme l’incendie du premier couvent qu’elle venait de construire. «Commandez-moi ce qu'Il vous plaira, dira-t-elle au Seigneur,… avec vous, je puis tout».. On le voit: son coeur est simple et humble, et il est ouvert, sans aucune recherche de soi. Elle ajoutera dans la même prière: «Prenez le coeur de tous les hommes… par la puissance de votre grâce, engagez-les à vous aimer». Car cet Amour même l'a séduite depuis longtemps. Comme le Christ Jésus et en Lui, elle veut pouvoir vivre son «fiat». Par Lui et en Lui, le Verbe incarné, elle entre déjà dans le mystère de communion des Trois personnes divines, nous engageant à nous ouvrir nous-mêmes et à goûter dès ici-bas à l'Amour des trois, et à y trouver le bonheur éternel. N'est-ce pas là où tous nos efforts d'évangélisation ont dessein de conduire les personnes ?
Et combien encore pouvons-nous découvrir de grâces insignes qui ont marqué et fécondé les débuts de notre Église, dans le témoignage de vie de la bienheureuse Marie-Catherine de St-Augustin, Hospitalière, arrivée si jeune en terre canadienne, mais pourtant marquée d'une Sagesse et d'une Force qui ne pouvaient venir que d'En-Haut. À travers cette vie et cette mission unique, nous sommes touchés de façon particulière par son esprit de chasteté, vécu dans un Amour du Seigneur et un souci de fidélité tels, qu'avec la grâce de Dieu, elle a pu lutter de façon héroïque et avec un courage inouï, contre tous les assauts du Malin. Catherine de St-Augustin a communié à l'immolation du Christ en croix, acceptant par amour et dans l'amour, de «crucifier sa chair avec ses passions», et de s'offrir en victime pour l'Église et pour le salut du Nouveau monde. Elle n'a pas combattu que pour elle-même. Elle a accepté de mener le bon combat et de prendre sur elle-même les fardeaux et les luttes des plus faibles et des plus vulnérables. Elle a vécu cette lutte intime et héroïque sans que quiconque dans son entourage, sauf son directeur spirituel, se rende compte du drame intérieur auquel elle était confrontée, alors qu'elle manifestait au contraire une Charité exemplaire dans le service des malades. Marie-Catherine a voulu faire la volonté de Dieu à l'exemple même de la personne souffrante qui «prend son mal en patience et de bon coeur, malgré ses souffrances». Seul le secours des sacrements et l’aide céleste extraordinaire du Père Jean de Brébeuf, mort martyr en 1642, pouvait lui permettre de supporter pareille épreuve. Ce monde d'aujourd'hui qu'on asservit de toutes les manières n'a-t- il pas besoin plus que jamais du témoignage et de la puissante intercession de cette jeune bienheureuse ?
En considérant ces trois témoignages édifiants de haute Charité, il nous revient en mémoire cette affirmation de l'apôtre Paul: «Rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ, notre Seigneur». N'est-ce pas la conviction même qui doit nous habiter dans tous nos efforts d'évangélisation, au coeur des villes et des cités, auprès de ceux et de celles qui souffrent souvent sans comprendre, et qui connaissent l'angoisse au coeur d’épaisses ténèbres ? Aussi, dans ce monde qui est le nôtre, la Charité du Christ en nous doit-elle se faire ardente, inventive, et raffermir nos engagements. Pourrions-nous fuir les douleurs d'un enfantement qui contient de telles promesses de Vie ?
Eh bien, puissions-nous ensemble nous rapprocher du Christ toujours davantage. Une Église qui a connu des débuts aussi glorieux ne peut douter de la solidité de ses appuis, ni encore moins perdre son Espérance. Rappelons-nous qu'il n'y a pas d'évangélisation confortable. Que l'Espérance qui est la nôtre et que nous avons reçu en héritage avec la foi, au prix de toutes ces vies généreusement données, nous porte et nous transporte! Que notre Charité nous mette au service de nos frères et de nos soeurs, et spécialement des jeunes! La mission se continue, et elle portera ses fruits par ce que nous donnerons de nous-même, en témoins, et grâce à l'appui de tous ceux et de toutes celles qui nous ont précédés dans la foi et qui nous secondent dans le mystère de la communion des saints.
Dans la paix du soir, nous nous unissons à Marie, notre Mère, Étoile de l'Évangélisation: Marie des commencements et des recommencements; Marie, l'humble servante; Marie, pauvre, obéissante et chaste; Marie, si présente à l'histoire de notre Église. Avec Elle., nous disons: «Le Puissant fit pour moi des merveilles»… Et son cantique d'action de grâce se poursuit en un éternel présent: «Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent». Que le Seigneur nous relève et qu'Il comble de bien tous les affamés ! En remerciant nos visiteurs de venir s’implanter à Montréal, et de nous reporter ce soir à l’Esprit héroïque des origines de l’Église de Québec, nous bénissons Dieu pour le don de leur amitié, en ce Nocturne solennel qui devient le symbole d’une renaissance catholique!
Ainsi que toute Gloire soit rendue au Père et à la Trinité tout entière, en «Jésus-Christ, le Fils de Dieu, Sauveur», à travers la mission de cette œuvre d'évangélisation qui naît, et grâce au support de la prière fervente des communautés monastiques de Jérusalem. Elles s'inscrivent désormais dans l'Histoire de notre Église en terre canadienne, et elles en partagent la mission. Que le Bienheureux François de Laval et les bienheureuses Marie-de-l'Incarnation et Marie-Catherine de St-Augustin nous viennent en aide et nous inspirent, pour une Église à bâtir dans une Charité qui puise toute sa force et qui trouve son assurance dans la Victoire du Christ-Ressuscité !
AMEN
Marc Cardinal Ouellet
Cathédrale Notre-Dame de Québec,
1 octobre 2004
- Dernière mise à jour 20 octobre 2004
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