Site internet du Séminaire de Québec

Homélie pour le 18e dimanche du temps ordinaire Année A (Mathieu 14, 13-21) - La mutiplication des pains : des gestes qui parlent

Homélie à la Chapelle du Lac Poulin par Mgr Hermann Giguère P.H., recteur de cette desserte le 3 août 2014 pour le 18e dimanche du temps ordinaire Année A. Textes: Isaïe 55, 1-3, Romains 8, 35.37-39 et Matthieu 14,13-21 (la multiplication des pains)



Tabgha en Galilée : Mosaïque de l'église de la multiplication des pains. Le cinquième pain est...sur l'autel, bien entendu.
Tabgha en Galilée : Mosaïque de l'église de la multiplication des pains. Le cinquième pain est...sur l'autel, bien entendu.
Les derniers dimanches nous avons entendu de la part de Jésus des histoires, des paraboles avec dans chaque cas un message pour ceux et celles qui les écoutaient et aussi pour nous qui les écoutons de nouveau.

Aujourd’hui, l’évangile de saint Mathieu change de ton. Il ne s’agit plus de paraboles, d’histoires, mais de gestes au cours d’un événement : la multiplication des pains.

I – Des gestes qui sont des signes

Ces gestes ne sont pas anodins. Ils sont des signes à interpréter et à recevoir. Ils nous livrent comme les paraboles des messages. On dit parfois que les gestes parlent plus fort que les paroles. Dans l’Ancien Testament, les prophètes en ont utilisés pour faire passer le message de Dieu. Isaïe, par exemple, qui se promène dévêtu pendant trois ans (Is 20,1-6), une façon de dire que si Israël fait l'union avec l’Égypte, il sera dépouillé, dépossédé de tout. Le prophète Jérémie porte un attelage de bœuf, un joug (Jr 27,1-22), signifiant ainsi la soumission au roi Nabuchodonosor. Le prophète Osée épouse une prostituée pour faire réagir le peuple de Dieu qui lui-même se prostitue en rendant un culte à des divinités étrangères (Os 1,1-3).

Jésus a accompli lui aussi beaucoup de gestes interpellants comme le changement de l’eau en vin aux noces de Cana, la tempête apaisée sur le Lac de Galilée etc.

Je vous propose de revoir le récit de la multiplication des pains dans cette perspective. Chacun et chacune pourrait choisir un des gestes de Jésus et chercher à en découvrir la signification. Permettez que je vous les énumère rapidement en dégageant par la suite une signification qu’on peut leur donner.

II – Les six gestes retenus dans le récit de la multiplication des pains

Le premier, c’est l’invitation de Jésus aux disciples « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». La situation est pourtant claire : c’est le temps d’aller faire l’épicerie pourrait-on dire. Le soir tombe, les gens ont faim et les villages ne sont pas loin. Et pourtant, Jésus répond à la préoccupation de ses disciples d’une façon surprenante. Ils les invitent à se mettre à l’œuvre.

Le deuxième geste nous met devant les yeux une quantité minime de nourriture : « cinq pains et deux poissons ».

Le troisième est la réponse de Jésus : « Apportez-les moi ici ».

La quatrième est la prière de Jésus : «  …levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ».

Le cinquième est le geste de la distribution de la nourriture que Jésus donne aux disciples et que ceux-ci donnent à la foule.

Le sixième et dernier geste retenu est le fait que tous mangèrent à leur faim et qu’il resta de la nourriture.

Voilà une série de gestes qui sont des signes que Jésus nous donne pour nous faire comprendre un message.

III – Application à la vie chrétienne

Tous ces gestes tournent autour d’un même thème, celui de la nourriture. Et le récit de saint Mathieu en nous racontant l’événement de la multiplication des pains nous ouvre sur une nourriture autre que la nourriture matérielle. Celle-ci est le signe de la nourriture spirituelle que Dieu offre en abondance comme le dit la première lecture. « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas? […] Venez à moi! Écoutez, et vous vivrez ».

Cette nourriture spirituelle dépasse ce qu’on attend de la nourriture matérielle. Elle remplit le cœur. Elle ne se perd pas, Elle se partage avec les autres. Il y en toujours de disponible.

Cette nourriture spirituelle quelle est-elle? Pour l’instant, le récit de la multiplication des pains ne le dit pas. Mais, Jésus y reviendra plus tard et il expliquera que cette nourriture c’est lui-même qui se donne à nous par amour.

Voilà où nous mènent les gestes retenus. Chaque geste nous dit quelque chose de Jésus lui-même.

Un : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Jésus notre nourriture est une nourriture qu’on partage.

Deux : « Cinq pains et deux poissons ». C’est une nourriture qui part de rien, de la pauvreté des moyens, de la petitesse, de la faiblesse.

Trois : « Apportez-les moi ici ». Cette nourriture pauvre est remise dans les mains de Jésus.

Quatre : «  …levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ». Une pauvreté que Jésus transforme dans la prière en se tournant et en s’abandonnant avec confiance à la puissance de son Père.

Cinq : « Il les donna…et les disciples les donnèrent à la foule ». Jésus transmet  cette confiance et invite les disciples à faire de même

Six : « Tous mangèrent à leur faim ». Le résultat de cet abandon c’est une plénitude qui répond à nos faims de toutes sortes, qui va au-delà de nos attentes.

Conclusion

Cet événement de la multiplication des pains est un signe encore pour nous aujourd’hui. Devant les faims qui nous tenaillent, faim d’amour, faim de pardon, faim de bonheur, faim de Dieu etc., cet épisode de l’évangile nous invite à croire que si, comme Jésus, nous levons les yeux vers notre Père du ciel, ces faims seront comblées au-delà de nos espérances. C’est ce que nous faisons à chaque Eucharistie en union les uns avec les autres et avec Jésus lui-même qui continue dans la gloire du ciel d’intercéder pour ses disciples. Amen!

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Séminaire de Québec
1 août 2014



Vendredi 1 Août 2014
Hermann Giguère